L’autre comme alphabet (répons à François Jullien)

L’autre comme alphabet,

répons à François Jullien

 

Peut-être l’autre peut-il aussi s’habiller comme un alphabet.

Nous apparaître comme alphabet.

Peut-être la lecture, si cet enfant s’en empare ainsi et si adulte il arrive qu’elle plaise tellement, est-elle d’emblée un accès à l’autre ?

Peut-être le signe, tracé, dessiné, écrit sur les murs, à l’écran ou sur le papier, est-il d’emblée un signe que nous ferait quelqu’un d’autre pour nous dire : « Hey ! Ecoute ! Ecoute-moi, j’ai quelque chose à te dire », quelqu’un d’autre de l’autre côté de la rue qui nous fait un signe de la main et qui a quelque chose à nous donner.

Avant même qu’on sache quoi.

Avant même qu’on sache de quoi il s’agit, un signe tracé est la marque, indubitable, inébranlable, dont on ne peut plus en aucun cas douter, de l’existence de quelqu’un d’autre. Quelqu’un d’autre que moi avec qui, d’emblée je vais pouvoir converser ; même en silence ; même en n’en parlant à personne d’autre.

Nous avons même cette certitude, puisque c’est nous qui le lisons, c’est nous qui interprétons le signe, c’est nous et nous seuls qui lui attribuons, réinjectons un sens, son sens, nous sommes certains que c’est à moi et à moi seul, sans aucune forme de confusion possible à cet instant même, que cet autre comme un signe s’adresse.

Lorsque je lis le signe de l’autre, le signe écrit par l’autre, le signe tracé par l’autre, sa trace, je suis certain d’être moi.

Si on l’imagine sur un mur, pour que l’image soit plus forte et que le caractère ainsi prenne toute son importance, son existence, sa visibilité, ce caractère qui, en lui même n’est qu’une trace, est fécondé par ma lecture, re-fécondé par ma lecture et le fait que je le voies, puis le lise. L’écrit reprend son sens par la fécondation du lecteur, fécondation en tant que catégorie philosophique (categoria) du vivant, qui attribue au signe le sens qui avait été espéré.

Espoir du signe, de sa trace, de reproduire ailleurs le sens qu’il véhicule.

Espoir du traceur, au moment de la trace, que quelqu’un voit le signe comme voyant de Rimbaud peut-être,  de l’autre côté de la rue et se dise : « Oui ? Qu’est-ce qu’on me dit ? Qu’est-ce qu’on m’apprend ? Qu’est-ce qu’on m’apporte ? »

Qu’est-ce qui nous vient du monde extérieur ainsi et nous fait tant d’effet, parfois, même si la plupart du temps on oublie, par habitude, de subitement sentir encore, re-sentir, qu’on existe ? On existe donc encore une fois ?

« On est donc né encore une fois ? » comme dit Philippe Jaccottet autour du pain du jour, sur la table, le matin.

L’espoir que sa trace émette quelque chose, qu’elle fasse sens, qu’elle traduise qu’il a à nous dire quelque chose et que, si jamais on porte les yeux sur elle de l’autre côté de la rue, ce soit aussi de ce fait sur le signe, et aussi de ce fait sur cet autre, qui me le fait.

Peut-être le signe met-il en branle l’autre de cette manière, car pour passer de lui à nous, d’un soi à l’autre, de toi à moi, il passe par le dehors, par l’extérieur, forcément ; et peut-être est-il quelque chose de l’extime, car ainsi venant, il est d’un lieu d’origine et va vers un autre tous les deux situés au même endroit, dans les profondeurs de l’intime.

Peut-être l’alphabet est-il de cet extime, de ce qui féconde l’intime.

Peut-être l’aphabet est-il dans sa totalité inextimable ( !). Ce qui jamais ne sort totalement de nous. L’extime est pour moi ceci, qui jamais ne sort totalement de nous, qui est extérieur à l’intime au-dedans de nous et qui ne sort jamais dans sa totalité de nous. C’est ce qui véhicule les ressources qui concernent l’intime, venues de l’extérieur, et qui parmi elles trie le fécond.

Même si ce n’était que de nous qu’il vienne, ce signe, venu de soi, le sens qu’il véhicule et travaille, se travaille, de soi à soi, se fait forcément par l’extérieur aussi puisqu’enfin, pour qu’enfin – pour que, enfin, je le voie, et que je lui redonne de ce sens que je lui avais mis au passage, traçage, promis au passage vers la sortie.

Je le reféconde d’un sens possiblement différent, d’ailleurs, le même ou différent, lorsqu’il revient et entre, r é-entre à mon esprit par les yeux, ou par les oreilles, ou par le toucher si je suis aveugle et sourd, il doit bien y avoir aussi une odeur du signe si je n’ai pas de toucher, et un goût, dans les madeleines, les petites madeleines de Proust, ou les alphabets vermicelle dans la soupe de maman le soir à la rentrée.

Et ce signe-là qui revient vers moi en lisant étant passé par le dehors me parle aussi d’un dehors, puisqu’il vient ainsi, d’un autre dans ce dehors, qui est quelqu’un d’autre en moi que moi, que je connais déjà et/ou que je ne connais pas encore, toujours ainsi, le même peut-être, autre, ou peut-être différent.

Au plus intime de nous il y a toujours cette émotion, de ce qui prend sens, de cette fécondation, de ce qui est fécondé. On le sait bien soi-même, quand on comprend quelque chose : « Euréka ! »

N’y aurait-il pas même encore en deça une autre émotion, de ce qui est là, qui existe, et qui va prendre sens ou pas, vie ou pas, selon.

Cette latence ; cette possible fécondation même dormante ; en dormance, comme dit la biologie végétale.

On désigne ainsi les graines en attente, les bulbes, les bourgeons, en état d’attente comme  « du bon moment » où elles pourront germer, sortir, produire de nouveau une hampe florale ; de l’extérieur rien ne se voit, ça semble mort, c’est immobile, « Les futures graines dans leurs étuis » comme dit Philippe Jaccottet pour parler de l’hiver ; et à l’intérieur tout est prêt, se prépare, se meut et s’organise très lentement, à dessein de se mettre en mouvement, en branle, dès que se fera la levée de la dormance, instant provoqué différemment selon les cas par une certaine lumière, rouge, blanche, ou par un coup de froid, ou par le suc gastrique des chèvres qui tracent ainsi par exemple à l’Île Maurice des sentiers de goyaviers qui deviennent des guides.

Les neurologues s’interrogent sur ce qu’est cette zone du cerveau dont les neurones de la lecture s’emparent au moment de son apprentissage et qui préexiste inutilisée par autre chose, dans cette apparence en tout cas.

Cette zone pourrait-elle être celle de cette latence ? Serait-elle celle où viennent s’installer les conditions de l’extime c’est-à-dire le traitement du possiblement fécondant de l’intime ? Dont, parmi d’autres, l’apprentissage de la lecture comme mécanique de traitement des traces, des signes, proposés du dehors par l’autre, l’autre comme alphabet, possiblement fécondant lorsque l’émotion s’en mêle ?

Comment pourrait-elle s’appeler ?

Derrière Eros, en deça ou au-delà de lui, avant même Thanatos, avant tout désir et toute tentation de mort, nous aimerions affirmer ici dans ce jeu sérieux comme celui d’un enfant qu’il existe,  si on l’écoute, si on veut bien l’écouter, si on travaille à ça, cet endroit incroyable de la fécondation, ce lieu de l’arrivée possible, ou pas, du sens, qu’on prend ou qu’on ne prend pas, c’est selon, cette arrivée de la vie quoi.

Comment s’appellerait-il en grec ? J’ai croisé cette stupéfaction. Fécondation se dit : Γονιμοποίηση (gonimopïïsi), dont la deuxième partie ποίηση (pîîsi) et oui, signifie… poésie!

La première partie Γονιμο (gonimo) veut dire fertile.

Si je l’osais je nous proposerais volontiers, par jeu et pour simplifier les choses, de choisir ensemble un nom pour cette catégorie nouvelle de l’être désignant le lieu de sa fécondation.

Nouvelle, si tant est qu’elle le soit vraiment, je ne puis avancer une exhaustivité de l’exploration du déjà connu à ce sujet.

Ensemble, puisqu’elle nait de nous, soi et l’autre, toi et moi, de la fécondation de l’autre, de la fécondité de l’être, de la fécondation de la langue et la fécondité de la lettre, par alphabet interposé nous nous faisons signe, et sans doute de notre désir commun et volonté commune de ce qu’on appelle l’altruisme.

Je proposerais volontiers ici le nom de Pîîsi, Ποίηση, pour la suite de cet article car la coïncidence est trop belle avec notre poésie que l’on sait si bien. Qui plus est, il désigne le lieu de la fécondation comme catégorie de l’être née de la famille d’Eros et Thanatos, famille grecque s’il en est et ça tombe bien puisque d’un autre alphabet, famille élargie certes s’il vous plait, ceci nous ravit encore, la 8ème famille peut-être comme on en parle déjà ici, entre la philosophie, la psychanalyse, la mythologie, le langage commun.

Parler de la fécondation elle-même dans cette langue donnera Gonimopîîsi. Γονιμοποίηση.

C’est moins commun.

« Poésie fertile » pour fécondation ; voilà qui nous ravit encore doublement. L’autre nous apparaitrait dans sa poésie fertile.

« Sortons nos livres et nos stylos. Ce sont nos armes les plus puissantes », dit Malala à l’ONU devant 500 jeunes.

Si bien que si nous avons une difficulté à ça, si nous ne pouvons féconder l’alphabet, le signe, parce que nous ne savons pas lire, ou que nous sommes dans un autre alphabet intuitif, ou frappés de non-sens pour quelque raison, c’est avant l’intime profond que nous aurons à faire avec l’autre, à faire notre autre, c’est plus difficile, plus violent, plus laborieux. Pîîsi voudrait produire sa fécondation, dedans, dehors, et n’y parvient pas. Certains s’y enferment.

Lettre morte. Rester lettre morte.

Il est possible que cette lettre dont on parle soit une lettre de l’alphabet.

Au fond de nous, lorsque nous l’avons appris à l’école, à l’instant où nous le voyons nous savons que le A est un A et ça y est, le dehors vient, l’extime est passé par là et le A nous féconde de l’autre.

On voit le A, on lit le A, on lui donne sens et vie et il nous donne du sens et de la vie en retour.

Ca se joue, on n’y croyait pas, on ne le pensait pas même, n’est-ce pas, au niveau même du trait, de la trace, du signe, pour nous de la lettre de l’alphabet.

Les linguistes nous disent que la lettre de l’alphabet ne fait que de la relation.

Elle véhicule, elle relie, elle voisine avec ses voisines, celle de droite, une, celle de gauche, une, au sein d’un mot.

Elle agit pour véhiculer du sens de l’une à l’autre comme passer le flambeau. Elle n’aurait pas d’autre fonction dans le texte que cette relation même.

Elle est activée par la lecture. Un mot non lu laisse la lettre morte. Un mot non lu reste, lettre morte.

Un mot lu dépasse le signe, il fait sens, il fait bloc, tous ses sens véhiculés par les signes font bloc vers moi. C’est un bloc de sens de l’autre, qui nous arrive de l’autre côté de la rue ; il fait signe puis, à peine est-il dans la relation il nous dit quelque chose. Quand nous lisons l’autre est là ; à peine entré en relation il nous parle. Il est là et du coup nous aussi. Voyez ce corps comme il change, lorsque quelqu’un reçoit ou attrape ou rencontre quelque chose à lire. Il s’installe, se pose d’une certaine manière, debout, il fait comme entrer dans sa place. Il y est question de prêter attention, dans ce geste, porter attention aussi ; il est surtout question de sens à féconder, de donner vie. Quand nous lisons nous donnons vie cette fois aux mots de l’autre, l’autre comme alphabet.

Donnant donnant l’autre et moi c’est réciproque.

Les typographes, cette fois, vont nous parler de connotation typographique, de son pouvoir d’ancrage ou de désancrage dans un milieu et de son pouvoir de persuasion.

Lorsque l’autre nous apparait comme alphabet, ce qu’il a à dire est comme entouré de là d’où il vient, de là d’où il est, et de son intention seconde, outre le sens, vis-à-vis de nous.

Par exemple Charlemagne, qui ne savait pourtant pas écrire, comprend en l’an 800 par l’existence d’un scriptorium dans les grandes villes où oeuvrent les moines copistes, comment il va pouvoir asseoir son empire en rendant obligatoire l’usage d’un seul et même dessin de lettre, une seule et même écriture dans tous les monastères et les écoles. Il commande la conception de ce dessin de lettre à Alcuin, archevèque de York, et la baptise la Caroline. De l’empire carolingien.

Le même phénomène se retrouve via le caractère d’imprimerie lorsqu’une dictature, par exemple celle de Hitler, casse du jour au lendemain en 1941 ce qui avait été une inondation des pays envahis par la lettre gothique allemande fracturée extrêmement reconnaissable, par l’usage obligatoire d’une lettre dite antiqua, d’origine latine et ronde. Tous les codes et les repères en sont bouleversés. On ne peut plus faire confiance à la rondeur. La domination de la fracture entre dans la clandestinité.

On peut dire que la connotation typographique marque un alphabet dans sa fonction sociale.

Elle s’adresse ici à nous comme groupe humain, comme communauté humaine, différente ou la même d’une autre dont elle vient ; l’autre nous apparait donc aussi comme un autre social, un autre avec son social autour de lui différent ou le même que le nôtre de l’autre côté de la rue.

Quelque chose dans le dessin de la lettre A lui vient d’en dehors d’elle-même comme seulement lettre A. Elle est accompagnée, comme nous dans la rue du reste, d’une intention sociale de l’autre de véhiculer du sens « outre » le sens de l’alphabet et des mots : un sens social.

La lettre A, lue, transmet du sens qui la dépasse, nous dépasse, dépasse l’autre aussi qui l’a choisie ainsi pour nous faire signe. Ca nait de sa pure forme non seulement de A mais de A « comme ça. »

Ce A est né en 1932 pour le journal de Londres, le Times.

Ce A est d’une police humaniste de 1928, standard depuis des chemins de fer britanniques.

Ce A est créé en 1993 pour permettre une grande lisibilité à l’écran.

Ce A est laid, simpliste, conçu pour les écrans d’ordinateurs et fourni par Microsoft. Il ne doit son succès qu’à sa gratuité. C’est un mauvais clone d’un chef d’œuvre dessiné en 1954, l’Helvetica, symbole de la Suisse en cherchant l’harmonie optique la plus aboutie.

Ce A est la Rolls des imprimeurs du Roy, Garamond de l’Imprimerie Nationale, de la campagne d’Egypte et de la Défense et illustration de la langue française, depuis François 1er 1550.

Ce A veut s’approcher de l’Anglaise, manuscrite, donc plus près de soi.

Ce A parle du contexte et de l’époque de la machine à écrire.

Ce A est conçu en 1957 par Adrian Frutiger pour fonctionner dans toutes les langues, il s’est remarquablement vendu, s’appelle Univers et devait s’appeler Monde.

Adrian Frutiger nous dit l’aptitude du dessin de l’alphabet à nous « persuader » du sens qu’il transporte, avec un adage de la typographie selon lequel  rose ne s’écrit pas avec les mêmes dessins de lettres que béton.

Cette adaptation du dessin d’un alphabet au sens des mots qu’il transporte contribue à installer sa connotation typographique.

Sauf création artistique, on ne change pas de caractère d’alphabet à chaque mot dans un texte et il y a bien une sorte de persuasion moyenne qui s’installe et diffuse, donc. Ceci peut expliquer qu’on aime ou pas, en tant que lecteur, telle mise en page d’un texte avec telle typographie.

Cette même adaptation du dessin de la lettre au contexte initial de sa lecture, pays, culture, intention économique, intention politique, intention culturelle, art publique, effacement, prise de pouvoir ; diffuse lors de son utilisation et apparait fort hors contexte. Nous le voyons, d’une sous-vue, d’autant mieux depuis le trottoir d’en face que ce contexte est différent du nôtre ; parfois à une rue près ; parfois à un pas près si à ce moment il se trouve que je parle en russe avec une amie de passage.

Ladislas Mandel raconte comment il a œuvré à dessiner un nouvel alphabet, une nouvelle police de caractères qu’on lui demande pour la réduction de l’annuaire papier italien après avoir conçu celle de notre propre annuaire. Une police représente environ 255 caractères donc autant de dessins. « Ca m’a pris 9 mois », dit-il, « dont 6 à ne rien faire ! » Il poursuit : « Oui c’est comme ça. Il fallait que je m’imprègne de l’œil italien. Je me suis installé 6 mois en Italie, à ne rien faire d’autre que manger, me promener, lire les journaux, aller au cinéma… »

Outre le sens, outre le texte, l’alphabet véhicule toute autre chose venant du traceur, qui tient à son dessin, aux détails du dessin de la lettre, au geste de la trace.

C’est ce qui va faire que cette lettre A que je vois va me dire certes A, le signe, plus le signe dans son contexte, plus dans un contexte qui aura été choisi par le traceur, ou subi par lui, venant de son propre contexte.

L’alphabet produit donc du sens dans du contexte, que j’identifie plus ou moins consciemment lorsque je le vois comme le contexte de l’autre, l’endroit d’où et comment il me parle.

En Europe, le dessin de l’alphabet en tant que signes identifie trois zones géographiques d’où il parle : l’alphabet latin, cyrillique, hébreu.

Ne pas connaître l’un de ces alphabets et se trouver au lieu de son usage, c’est l’entier du contexte géographique, social, culturel, poétique, imaginaire, sensuel, de voisinage, sensoriel, « goûteux » comme il est dit, qui nous est totalement hermétique par ce vecteur.

Quand il s’agit d’une vie quotidienne possiblement concernée, et d’une coupure nette d’un autre alphabet, celui de la langue maternelle, quand on sait maintenant que c’est un vecteur profond de sa pîîsi qui est concerné, une frustration quotidienne de non fécondation de son sens, avant d’éventuellement en installer un autre vecteur par l’apprentissage de cet alphabet autre ; quand on sait ça, on en mesure l’importance.

Et si nous connaissons l’alphabet qui nous parle, nous ne connaissons consciemment pas grand-chose de ce qu’il nous dit d’autre que le sens de ses mots, ses phrases, par son dessin singulier. Il y a sa typographie choisie, quelle police de caractère. Et puis il y a le travail sur la lisibilité. Ce qui va me rendre plus ou moins facile l’apparition de l’autre à la lecture. Et qui tient à cet autre aussi dans son organisation de l’alphabet sur la page, la double-page, le livre, le mur, l’entier du support.

Sa taille dans la page ; il suffit de peu d’entendre l’autre hurler avec du gras, avec des majuscules.

Son envergure sur la ligne ; jusqu’à quel point celle-ci persuade plutôt le sens du signe à passer ou plutôt son contexte. On pourrait dire que plus l’envergure est serrée plus le sens aussi et le contexte fort. C’est le cas de l’écriture gothique. C’est le cas aussi de l’alphabet des conditions annexes et contractuelles dans les articles de bas de page d’un contrat.

L’inverse n’est pas vrai, plus l’envergure est large et si elle le devient trop, c’est l’ego de l’autre qui prend toute la place devant ce qu’il dit.

Ses empattements ou son absence d’empattement, son caractère droit ou italique, sa taille plus ou moins basse, les espacements sur la ligne qui la sépare des autres ses voisines.

C’est ce qu’on appelle l’approche, la mesure de ce qui sépare les lettres puis qui sépare les mots, puis le texte en drapeau ou pas, réglé à gauche (comme appuyé contre la règle de la marge) ou réglé à droite ou réglé des deux côtés, justifié.

La taille des marges, la taille de la page, la taille des blancs entre les paragraphes, des espaces entre les parties, les notes, les images ;

le fonctionnement de la double-page, verso – recto, et du feuilletage, recto – verso, l’épaisseur du papier, le poids du livre. Ceci contient aussi bien son poids réel que ce qu’il tient et la manière dont il le porte sur plus ou moins de pages, plus ou moins remplies. Un livre de 500 pages avec 1 mot par page pourra être léger.

Encore une fois nous parlons ici à grand trait, pour une démonstration rapide ; les choses de la lettre, de l’alphabet et de la typographie sont beaucoup plus fines et complexes ; et les choses de l’autre aussi. Ce sont des artistes, ceux qui ont une perception synthétique de l’autre au-delà du commun.

Ils en font une synthèse à l’aide d’un outil, d’une pîîsi peut-être, c’est agréable de dire ça comme ça car on voit que peut-être ça sert, d’inventer des choses quand on s’aperçoit que tiens, on les utilise et ça aura été utile déjà une fois. Ce sont des artistes, ils transforment la perception de l’autre en un outil, une pîîsi peut-être, qui leur est singulière.

Je peux parler de 5 personnes comme ça, que je connais de différentes manières ; il en est sans doute de bien d’autres sortes.

L’une lit en couleurs les compositions typographiques en noir et blanc de pages de livre. On entend les voyelles de Rimbaud, A noir, E blanc, I rouge, U vert…  De leur poésie fertile ils transforment l’autre en des couleurs.

Une autre appréhende tout ce qui est mouvement des êtres, des choses, du Monde, en structure de lignes et en couleurs. On pense à Léonard de Vinci, comme un ingénieur seul concevrait la meilleure carlingue d’un homme volant, la carlingue du meilleur élan d’un avion.  Ils élaborent l’autre en dynamique.

En typographie on parle de la couleur du mot, de la phrase, même si peu les voient vraiment. On parle aussi du gris de la page, pour parler de ce qui surnage en couleur, en un gris, de sa composition textuelle. est une notion objective de ce métier dont elle n’est pas, comme le gris d’une pageet je me demande bien dans la foulée, sans y connaître grand-chose par les livres et quand même, si certains états aboutissant à des dysfonctionnements psychiques voire des désordres importants, n’auraient pas leur source dans une sorte de pîîsi singulière qui les habitent et avec laquelle ils n’ont pas eu l’occasion de se faire une place mentale de l’autre adaptée au réel.

Je crois que c’est comme ça aussi avec l’autre comme alphabet mathématique. Et logiquement alphabet musical. J’ai un rêve, d’aboutir à un alphabet international duquel apparaisse l’autre à tous les coins de rue, pour tout le monde, où qu’on soit.

Je sais qu’il me faut pour ça comprendre le dessin et le sens de l’alphabet des imageries de Warja Lavater. Je crois que cet autre en son travail m’a fécondée. Il y faudra d’autres articles.

 

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