Fragments

de Valentine Cruse

Au cour de la nouvelle, le cour, son battement.
Au commencement, régulier, apaisé.
Insouciance, inconscience première.
Flux, reflux.
Joie d’un mouvement écrit certain
Pulsion, vigueur sanguine.
Premières lignes, premiers battements.
Et le souffle court, sur la feuille ;
donne, donne au lecteur qui s’en nourrit, s’en inspire,
suit le rythme, palpite.
Mais à habiter le texte, à absorber les mots, l’écriture s’essouffle, vidée,
capturée en son cour dans la lecture, captivée.
L’histoire s’épuise, épuisée de s’être livrée.
Chut !
La nouvelle expire en son cour au milieu de l’écrit.

. . . .

Une escalope bien cuite avec crème, champignons, frites, merci.
Marlon est mort.
Le café brille et les fleurs plastiques courent le long des murs, face au coucher de soleil.
C’est long, l’été sans toi.
Des miroirs partout, je suis décoiffée.
Trouver un sujet, une raison à notre histoire.
Trop forte, la musique.
Mère et fille passent, se ressemblent.
Au portable, il raconte ses prochaines vacances.
Partir ?
Table carrée, carrée, la vie aurait un sens, carré ?
Quitter le bord.
Retrouver la nuit, trop courte.
T’inventer.
Sur la liste : commissariat, rangement, clefs, mail à Véronique, garage, photocopie,
billet pour Lausanne.
Lourde, la crème.
Grossir, grossir.
Etre sensuelle, naturelle aussi.
Pour qui ?
Ah, du reggae !
T’oublier, le temps d’une marée.
La pervenche gratte, puis une autre.
Bouquet en ton absence.
14h00
L’addition, s’il vous plait !

. . . .

J’écris sur des corps d’athlètes.
De la statue de Mykérinos (art égyptien, 4ème dynastie)
au gladiateur borghèse (début du 1er siècle avant Jésus Christ),
le geste évolue, assuré, puissant.
Ils sont beaux les Apollons. Résistent au recouvrement.
Mais je veux écrire sur ta peau.
Frôler tes lignes, hésiter le long des cernes, contourner.
Suivre le pli fragile, imparfait.
Les touches sur le papier t’embrassent.

Le rythme est ordre cadencé dans la survenance des choses F. Neveu

Bulletin de l’Atelier

Textes.net partage